ANTONIO BRISEBOIS

Antonio Brisebois est né à Ferme-Neuve, au Québec, le 11 avril 1918. Quelques années plus tard, sa famille est déménagée à Mont-Laurier et c’est là que sa mère est décédée alors qu’il n’avait que 8 ans. Après un certain temps, il a été placé dans un orphelinat à Montréal. Il a terminé sa dixième année. Le travail étant rare, il s’est enrôlé dans l’armée et a fait partie du Régiment des Fusiliers Mont-Royal jusqu’à la fin de la guerre. Après s’être porté volontaire, il a été envoyé outre-mer. Ayant suivi un entraînement intensif en Angleterre, il a éventuellement participé au raid sur Dieppe, en août 1942. Après avoir passé cinq ans outre-mer, il est revenu au Canada, il s’est marié et il a quitté l’armée en 1947. Il a travaillé avec le corps RCEME – Royal Canadian Electrical Mechanical Engineers pendant 25 ans et il a pris sa retraite à l’âge de 60 ans. Il a été récipiendaire de la Croix de Guerre française, C de GF.

 

ENFANCE

Mon nom est Antonio Brisebois, CdeGF – Croix de Guerre française – on a le droit de porter un titre. Je suis né le 11 avril 1918, à Ferme-Neuve, qui est à 12 milles (19 km) plus haut que Mont-Laurier. Je suis né à Ferme-Neuve, baptisé à Ferme-Neuve. Là, j’ai fait mes études lorsque – je me souviens pas quand – l’âge que j’ai quitté Ferme-Neuve pour aller rester à Mont-Laurier. Tout ce que je me rappelle à Mont-Laurier, on demeurait dans une maison, dans Mont-Laurier, bien entendu ; aujourd’hui ils appellent ça « la rue de la Madonne » ; c’est là que ma mère est décédée. J’avais huit ans. Deux semaines après, mon jeune frère, le plus jeune, est décédé, George-Émile. Ça, c’était dans le temps, qu’on appelle la grippe espagnole. Ma soeur, la plus jeune, était rendue chez mon autre soeur parce qu’elle était malade elle aussi ; elle avait tout perdu ses cheveux et, c’était terrible dans ce temps-là. Après la mort de ma mère, bien entendu, j’avais une de mes soeurs qui demeurait à Montréal, ça fait que je suis venu rester avec elle et après un certain temps bien, elle m’a fait placer dans un orphelinat, l’orphelinat Saint-Arsène de Montréal. À l’orphelinat, j’ai été trois ans, mais c’était assez dur, mais c’étaient les frères Saint-Gabriel. On avait une bonne discipline. La discipline puis tout ça, ça m’a aidé beaucoup dans la vie parce que, à huit ans, perdre sa mère, puis à l’orphelinat, se ramasser là, c’était un peu, c’est un peu dur. Après, bien entendu, on a tombé après l’orphelinat, on continuait toujours l’école primaire. L’école primaire allait jusqu’à la septième. Après la septième, c’était le secondaire. Au secondaire, j’ai été jusqu’en dixième. Puis là bien, c’est toujours comme d’autre chose, on cherchait de l’ouvrage, ça fait que là, c’est… j’ai fini mes études vers la dixième année. […] Non, parce que l’ouvrage était tellement rare que, on faisait des… le matin, on allait voir des manufactures puis tout ça, puis il y avait jamais d’ouvrage, jusqu’à temps que j’en frappe un qui était une manufacture d’eau gazeuse, qui s’appelait Cristin, Cristin. C’était de la, ils faisaient, c’était de l’eau gazeuse mais on savait jamais quand qu’on était pour être mis à la porte ou quelque chose parce qu’ils manquaient d’argent des fois pour acheter du sucre.

LA GUERRE EST DÉCLARÉE

Une bonne journée il y avait un embouteilleur. Il dit : « Moi, il dit, je laisse l’ouvrage. » J’ai dit : « Comment ça ? L’ouvrage est rare. » « Oui, mais, il dit, moi, je fais partie de la milice, de la réserve aux Fusiliers Mont-Royal. » Et puis, il dit : « Je suis sergent. » Ça fait qu’il était venu chercher sa paie, en uniforme, sergent trois barres. On était tous émerveillés. Ça fait que, il me regarde moi, il dit : « Toi, il dit, tu serais bon dans l’armée. » Ça fait que là, bien, une semaine après, j’ai été le voir puis je me suis enrôlé le 19 septembre 1939. On apprenait ça par les journaux. La guerre s’est déclarée, si je me rappelle bien, vers le 8 ou 10 septembre. J’étais pas encore enrôlé là. Ça fait que c’était dimanche, j’ai été à la messe puis j’entendais des cloches sonner partout, partout, j’ai dit : « Mon Dieu, qu’est-ce qui se passe ce matin ? » Le monde dans la rue courait, puis ils ont dit : « La guerre, la guerre est déclarée. » Ça fait que, c’est comme ça que j’ai appris que la guerre était déclarée, mais j’apprenais un peu par les journaux. Je m’en allais sur 20 ans parce qu’après, même, j’étais enrôlé, j’avais 21 ans exactement quand j’étais enrôlé. Parce que là, j’étais comme orphelin, en restant chez ma soeur, je me trouvais un petit peu… j’étais pas à l’aise puis je cherchais puis tout ça. Ça fait que pour lui là… parce que moi, mon idée là, je pensais pas qu’on traverserait. J’ai dit : « l’Angleterre avec sa marine, la France avec sa ligne Maginot, on n’aura jamais le temps de traverser. » Pourtant, on a traversé ; j’ai été trois ans et demi de l’autre côté avant de revenir comme instructeur ici.

NOMMÉ CAPORAL

L’entraînement de base, bien entendu là, en 39, il n’y a pas d’uniforme ; il y a seulement que la milice, que ceux qui ont des uniformes pour faire la garde. L’entraînement se faisait en habit civil, surtout vers le Mont-Royal. On partait, puis on revenait manger à l’arsenal, puis le soir là, ils nous donnaient un billet de char. Je retournais chez ma soeur parce qu’ils n’étaient pas équipés pour recevoir tant de monde que ça. Moi quand je me suis enrôlé, c’est mon numéro régimentaire, c’est D-61461 ; le premier qui s’était enrôlé, il commençait à 61000. Alors ça veut dire, au 19, on était déjà 461 d’enrôlés. On commençait, on était, on différenciait pas beaucoup un caporal d’un sergent. Mais tranquillement là, avec une certaine discipline, une certaine instruction, on commençait à différencier quelqu’un qui portait sur ses manches, une barre, un lance-caporal, deux barres, caporal. Ça fait que je me souviens d’avoir appris comme ça mais j’étais un type assez tranquille, écoutant, tout ça., ça fait qu’une bonne journée, mon voisin qui avait fait de la milice, il dit : « Ils veulent me nommer caporal. » « Ah, j’ai dit, qu’est-ce que c’est ça ? » « Ah, ça, il dit, caporal, c’est dur, il dit, tu as soin des hommes et tout ça. » Il dit : « J’ai refusé ! » Ça fait qu’il dit : « Jamais, il dit, s’ils te demandent, tu as l’air d’un gars assez sérieux et tout ça, tu diras non. » Une bonne fois, je suis demandé devant le major (Sp L.O. Groté) puis il dit : « Félicitations. » J’ai dit : « Quoi ? » Il dit : « Vous êtes nommé caporal. » « Bien, j’ai dit, j’en veux pas de ça. ! » « Bien, il dit, c’est un ordre puis tu vas le prendre ! » Ça fait que j’ai été caporal un peu… sans trop m’en apercevoir. Puis là, bien, je m’adonnais bien avec les hommes, ça fait que caporal, il a une section de ses hommes pour s’occuper. Il couche avec les hommes, il y a toutes les troupes. C’est, c’est, c’est le grade le plus dur de l’armée.

LE VOYAGE OUTRE-MER

J’ai dit câline, d’abord, mais je me suis trompé, je pensais pas de traverser, on a traversé ; pour moi, ça durera pas longtemps. Toujours avec l’idée qu’on va traverser mais qu’on va faire un beau voyage et que ça durera pas longtemps. C’est là qu’on est désappointés un peu. L’entraînement s’est poursuivi un certain temps. Après bien, on est parti vers Valcartier ; vers Valcartier, là l’entraînement a été un peu plus dur. Puis un bon matin à Valcartier, ils nous ont réunis puis ils ont dit, là on est rendu au 1er juillet 1940, c’est-à-dire un peu avant parce qu’on était sur le bateau le 1er juillet 1940. Ils ont dit : « Vous partez pour l’autre côté. » Alors le 1er juillet 1940, après avoir fait le trajet en train à Halifax, ils nous ont embarqués sur un bateau qui s’appelait l’Empress of Australia. Ça fait que là on savait pas où est-ce qu’on allait exactement, mais l’Empress of Australia était équipé encore comme passager. Alors on a eu des belles cabines et ceux qui travaillaient là nous enseignaient comment faire pour pas trop avoir le mal de mer puis ça. Parce que après nous avoir (inaudible), là ce qu’on a su plus tard lorsqu’on est arrivé en Islande – je pense que c’est vers le 7 juillet – là on a su, on pensait plutôt s’en aller vers l’Écosse, mais c’est en Islande qu’on est arrivé. Ça fait que quand le bateau a tourné, ils nous ont dit « bonjour ». Puis ils ont dit : « Là, on s’en va se transformer en transport de troupes. » Ça fait que là on est rendu en Islande.

SON TRAVAIL EN ISLANDE

Mais c’est en Islande qu’on est arrivé. Ça fait que quand le bateau a tourné, ils nous ont dit « Bonjour » puis là ils ont dit : « On s’en va se transformer en transport de troupes. » Ça fait que là on est rendu en Islande. On arrive là, on est pas mal dépaysé parce que ça, c’est un, c’est un pays qui a été passé au volcan. Il n’y a pas, il n’y a aucun arbuste là-dessus, il n’y a pas d’arbres, premièrement. C’est une immensité terrible. Là, vous voyez au loin là, des volcans qui sont pas en éruption mais qui boucanent, puis on est complètement arrivé là, dans ce qu’ils appellent le « soleil de minuit. » Ici, il est midi, vous avez le soleil, puis là-bas, il est minuit et vous avez le soleil. Dans des tentes là, dormir au soleil de minuit et tout ça, ça a été dur. C’était toujours là sur des, des ordres là, mettons de l’Angleterre qui demandait de l’aide parce que l’Islande, c’était réellement avant que les Allemands prennent ça. Ça fait que c’était toujours, d’après mon livre là, c’était des demandes de Churchill, puis de la guerre parce qu’après tout, on marchait pas mal sur le commandement anglais. Ça fait que là on s’en allait, nous autres, un peu pour bâtir qu’est-ce qu’ils appelaient l’aéroport, puis faire la garde. Oui, tout le bataillon est allé là. Moi j’étais dans la compagnie C. On est arrivé là, juillet, août, mois de septembre, vers le milieu de septembre ; ils nous faisaient lever plus tard parce qu’il faisait trop noir. On déjeunait peut-être à 8 h 30, 9 heures au lieu… parce que là, comme on dirait, c’était à deux saisons. Ça fait que, puis il y avait pas de… là, ils sont venus à bout de bâtir une hutte en bois, ça fait que on pouvait coucher mieux là que… on avait moins froid parce que c’était des planchers de bois, mais ça fait rien, il y avait une couverture toujours. On est resté quatre mois parce qu’on est parti à la fin d’octobre. Pour moi, ça été quand j’allais à l’école, on faisait de la géographie, puis on avait tombé une fois qu’ils parlaient de l’Islande, il y avait des chèvres, des chevaux sauvages un peu partout, des (inaudible) qui sortaient de terre là, puis ils n’avaient pas de bois. Ça avait été volcanique, puis même qu’ils nous parlaient des Vikings ; (inaudible) rouges avaient ses assemblées là, en Islande. Quand j’ai été en Islande, c’est vrai, ils nous ont fait visiter ça. Ça fait que, c’est, je pensais jamais y aller puis ça m’avait frappé ce pays-là. C’est complètement contraire à beaucoup de saisons, ça fait que tu sais. Puis de là bien, on travaillait pour l’aéroport ça fait que… mais on avait des petites passes. J’avais été une fois en passe, fallait être deux par, fallait être seulement, absolument deux par deux avec nos carabines, oui. J’avais été même au théâtre voir une pièce. Après j’avais été dans un restaurant puis on avait mangé. J’avais mangé là un bon steak qu’on appelle, de poney là, c’était tendre, très bon. La bière était pas forte, la bière était comme notre .5, excepté que c’est comme partout ailleurs, il y avait de la boisson plus forte et ils appelaient ça le Black (inaudible) parce qu’une fois, il y avait des types qui avaient été en passe puis ils en avaient pris. Ils étaient revenus, ça fait qu’après,ils nous ont coupé nos passes puis tout ça. Ces types-là le savaient pas, pour moi. Mais les Islandais travaillaient avec nous autres puis ceux qui faisaient du trouble là, ils les ramenaient. Les Islandais là, ils les attachaient dans une tente après des gros pneus ou quelque chose pour pas qu’ils reviennent faire de la chicane avec nous autres. Ça fait que ça s’est passé sans trop de brouhaha.

VOYAGE VERS ALDERSHOT

On est parti , j’sais pas la date exacte, mais c’est à la fin d’octobre. Puis là, on a pris le bateau ; lui n’était pas aussi gros que l’Empress of Australia mais c’était l’Antonia. Puis de l’Islande au port Écossais, Gourock là. La traversée a duré deux jours, bien deux jours de tempête. Là on a été, tout le monde a été… le mal de mer. Puis même on a été obligé d’attacher les types sur le pont, parce que, je ne croyais pas ça moi quand ils disaient que l’océan atlantique se déchaîne, des vagues de 50 pieds (15 m). Le bateau là plongeait puis on pensait qu’il ne sortirait plus. Ça fait que là, c’est du monde, à part du mal de mer, la peur et ceci, puis ça. C’est un voyage dont je me souviendrai toujours. Puis là bien, rendu en Écosse, on a pris le train, puis là, en prenant le train, on a connu ce qu’ils appellent des baraques extraordinaires, à Aldershot. On pense que tout le monde a passé par là Aldershot, une grosse base anglaise.

ENTRAÎNEMENT EN ANGLETERRE

La guerre là commence à être dure. Là l’Angleterre a toujours peur de l’invasion. Ça fait que pour montrer que les troupes sont toujours en mouvement, on part ce qu’on appelle, sur des, ils appellent ça des, ça a des noms ça, c’est de l’entraînement, on peut être 15 jours partis, on fait le merry-go-round. Ils nous appelaient le McNaughton Circus. On partait, nous autres de, mettons d’un certain point, de (inaudible) quelque chose, puis on allait… Puis les Anglais eux autres, les troupes anglaises, bien, eux autres faisaient la même chose ; ils faisaient le tour. Alors tout le monde était en mouvement. Ça durait des trois semaines des fois. Et on couchait dehors, bien entendu. Intervieweur : Quel était le but de ça ? Le but de montrer qu’il y avait toujours des troupes en mouvement puis que des nouvelles troupes arrivaient puis tout ça, bien c’était (inaudible) c’était comme le débarquement de la Normandie. Quand ils avaient fait beaucoup de choses à une certaine place pour faire dévier l’Allemagne, de la raison pour laquelle ils avaient débarqué. Ça fait que, c’était un peu pour… parce que une secousse là ils ont eu peur beaucoup pour l’invasion, surtout après que la France, une partie de la France avait, était aux mains des Allemands. Après, ils ont pris la France complètement occupée, ça fait que… Mais, il faut donner crédit aux Anglais. Les fins de semaine là, c’étaient les personnes âgées de 65 ans et plus, les Anglais là. Eux autres, ils étaient en devoir, ils appelaient ça le home guard. Ça fait que nous autres là, on en profitait ces fins de semaine-là pour visiter. Ça fait que moi j’ai visité beaucoup. J’ai visité le Château Windsor, même le Roi George VI et la Reine Mère étaient là. Mais on ne les a pas vus, par exemple. Au loin, on regardait, tu sais, on a toujours un guide, puis on a vu jouer la princesse – la reine d’aujourd’hui là – Elizabeth puis sa soeur Marguerite, avec un petit chien blanc. On voyait ça. Puis là ils disaient que l’Angleterre, c’est une île, est tenue par les ballons. Dans ce temps-là, c’est la guerre… à chaque vingt pieds (6 m), il y a un ballon ; ça c’était pour éviter les bombardements puis tout ça. On voit des fois des bateaux qui s’en vont et il y a un ballon au bout, c’était pour éviter les… Ça fait que j’avais bien aimé, même que j’avais visité pas mal.

ENTRAÎNEMENT

Mais Aldershot, l’entraînement était, c’est là qu’on commençait… Aussi, il y avait l’entraînement du tir, qu’est-ce qu’on appelle là. Il y avait des, apprendre aux types. C’était plutôt de la marche, l’entraînement, puis beaucoup, beaucoup de marche. Après qu’on ait appris à tirer… on marchait, le soir on marchait à boussole. Pour avoir marché, on pouvait pas dire, faut faire un entraînement comme… et du battle-drill, on en a fait beaucoup aussi. Je me souviens le battle-drill, ça c’est de l’entraînement de peloton, de compagnie, il y a une section qui tire puis les autres sections tournent, puis ils appelaient ça battle-drill. C’était des entraînements ça. Ils arrivaient le matin puis il y avait un syllabus. Bien, le syllabus là, tout était là-dessus ; la culture physique de telle heure et une autre affaire, de telle heure. À ce moment-là, on peut pas dire qu’on était bien équipé. On avait comme carabine la Lee-Enfield, puis comme mitrailleuse la Vickers. Plus tard, on a été mieux équipé un peu. Quand j’ai fini la guerre, bien là c’était différent, on avait un nouveau fusil, des nouvelles mitrailleuses et tout ça. Bien, on était équipé, pas trop, pas trop bien équipé, mais on connaissait pas mieux, ça fait que… On était toujours en mouvement, on se tenait toujours, par exemple, pas loin de Newhaven, Peacehaven, Brighton, toujours proche de la mer, ça fait que s’il arrivait quelque chose. Nous autres c’était du mouvement, du mouvement, puis toujours être sur la garde, toujours des gardes puis du mouvement, puis…

L’ENTRAÎNEMENT EN PRÉPARATION POUR DIEPPE.

Du moment qu’on traverse de l’autre côté, on dirait que… du moment qu’on est arrivé à Valcartier, l’arsenal, mettons, les Fusiliers Mont-Royal, de Valcartier, l’entraînement se fait là pareil, le tir puis tout ça. Mais, au combat même, moi je l’ai appris là, dire que tu vas réellement au combat là, tu t’en vas sur la ligne de feu, il n’y a plus de pratique parce que… c’est Dieppe. Avant Dieppe là, on va partir de Dieppe, c’est le 19 août 1942. Avant, ils nous ont envoyés sur une île, Isle of Wight, Angleterre. Là, l’entraînement était réellement de l’entraînement. Ça c’était un cours de commando qu’ils appellent là. Là, vous preniez un type puis il faisait une tranchée de 18 pouces puis fallait qui rentre là-dedans. Si son sac dépassait, il y en avait un autre pas loin qui tirait, qui (inaudible)… Intervieweur : Des vraies balles. Des vraies balles. Ah oui, ah oui. D’autres couraient après toi avec un genre de sten ou quelque chose tiré pas loin là, la poussière lève, la terre. Mais, en dernier, les types, ils viennent pas mal endurcis. Des fois, ils disent : « arrête de tirer là, tire ici. » Mais, le cours de commando là, c’était dur, c’était dur. Ça, c’est avant Dieppe. On devait faire le raid au mois de mai, ça a été retardé. On peut dire un bon 4 mois avant le mois d’août. Parce que le raid de Dieppe était pas dû pour le 19 août, il était dû pour le mois de mai. Mais, ça change tellement, les marées puis ci puis ça, tout est calculé, ça fait que. Ça fait que là bien, après bien, quand… dans ce temps-là on commençait à pratiquer, par exemple, avec les péniches, les petits bateaux.

L’ENTRAÎNEMENT POUR DIEPPE

On va dire là, on va être sur l’Isle de Wight ; notre cours de commando est fini, on a fait notre entraînement avec les chars d’assaut, Calgary Tank Regiment, les ingénieurs, qui… avec eux autres, parce que c’est nous autres. Faut pas oublier que moi là, mon peloton était le peloton 15. Au mois de mai, quand ils ont dit : « Vous en allez à Dieppe. » On était sur une Île, j’étais dans le peloton 15, l’information n’était pas sortie. Là, on dit, tout qui nous fait là, on va aller à Dieppe, on va, on sait pas comment ça va aller. C’est pas parce qu’on n’avait pas eu un bon entraînement, des bonnes informations ; ils nous donnaient des photos où on voyait des pas sur la plage de Dieppe, puis tout ça, ça fait que c’était bien. Après, les bateaux partaient pas, à cause… c’est ça qu’on se demandait là. Là on a su trop tard après qu’il y avait eu quelque chose, puis que le temps était passé pour les marées. Ça c’est très, très important. Le temps était passé pour les marées que… un bon matin, ils ont dit : « Vous retournez en Angleterre. » Alors moi, je me suis dit, on retourne en Angleterre, on n’entend plus parler de Dieppe. Fallait faire quelque chose. Alors, on n’était pas heureux mais on n’était pas malheureux, on acceptait notre sort. Alors, quand on est retourné, on était bien désappointé. Ça fait que là, je ne sais pas qu’est-ce qui s’est passé. Une bonne fois là, on continue, par exemple, l’entraînement continuait avec les ingénieurs puis nos TLC là, puis avec tous les ingénieurs, ça continuait ça.

LE RAID SUR DIEPPE

C’est ça, on embarque à Liverpool. Mais tout l’entraînement, puis le monde, puis tout ça, c’est le même monde qui est avec nous autres, les observateurs puis ci, puis ça. On part, ça fait que là, ils nous annoncent ça. L’aumônier, il dit : « À telle heure, on va vous donner l’absolution tout le monde, si vous voulez vous confesser, comme vous voudrez. » Ça fait que là, j’ai dit, là c’est vrai, là on y va. Mais, on s’en va, bien entendu, toutes lumières éteintes puis c’est tranquille, puis on a étudié Dieppe. Nous autres, notre tâche c’est d’arriver en face de la manufacture de tabac, le casino, tout est bien spécifié, qu’est-ce qu’il faut faire. Les chars d’assaut vont débarquer, nous autres on va aider les ingénieurs à mettre leur grand tuyau en avant des chars d’assaut pour qu’ils fassent sauter ça pour clairer des mines du rivage, puis tout ça. Vers les 4 h 30, 5 heures du matin, ces bateaux-là, c’est des barges ça, on peut pas monter n’importe où, faut monter dans les coins en arrière. Ça fait que je pars tranquillement, puis je monte, puis je regarde, tout était tranquille. J’ai dit, on va avoir la surprise, c’est ça qui est notre atout. C’est ça qui est notre atout. Ça fait qu’on doit avoir à lander nous autres vers les 5 h 30. Puis aussitôt que ça a commencé là, ils nous attendaient, mais on ne le savait pas nous autres qu’il y avait eu une escarmouche avec les autres bateaux. S’il y avait eu, si on n’avait pas été si loin, ils auraient peut-être cancellé ça. Alors c’est comme d’autre chose, on est arrivé… puis le feu nourri, le feu croisé. Une affaire qu’ils nous avaient pas montrée, par exemple, dans les falaises, les Allemands avaient creusé là-dedans puis il y avait des canons. Pour moi, ils avaient camouflé ça avec des nets, ça paraissait pas. Parce que les falaises c’est… fait que ça tirait partout. Le dernier char d’assaut, nous autres, il a forcé un peu, puis tout ce qui était au milieu là, ça a été blessé, puis il y a eu des morts. Nous autres, c’est comme si on était dans un bunker, le restant. Vous savez quand je vous ai montré comment c’est fait là, on a à peu près deux pieds de jeu. Ceux qui étaient là, mais ceux qui étaient au milieu là, c’était long. Ça fait que ça a été comme, ça n’a pas été long d’un sens, on n’a pas été capables de mettre les deux pieds sur le sol. Le dernier tank a commencé à glisser sur le galet. Si ça avait été bien… tout se serait bien passé parce que la (inaudible) la surprise, puis on l’a pas eue.

APRÈS DIEPPE

L’autre qui est en feu, bien c’est toutes des affaires comme ça qui. L’autre, j’ai jamais su si c’était le peloton 15 ou 14. Vous savez, tout le monde, après, ils sont prisonniers, d’autres reviennent. Nous autres, moi, j’ai rejoint l’Angleterre sur ce TLC, d’autres à Newhaven. Là, on a été reçu, on est arrivé là, je pense qu’il était vers 11 heures ou minuit le soir. Ils ne croyaient pas, ils ne savaient pas quoi… il y en a d’autres qui ont retonti partout. Une semaine après là, ils sont venus à bout de nous ramasser pour former une section. On était 40. Sur les 40, par exemple, il y en a qui avaient pas mis le pied sur un bateau, puis ci puis ça, excepté soit qu’ils étaient à l’hôpital, qui étaient revenus, puis tu sais, des affaires comme ça. Je me compte chanceux. Quand j’ai tombé au peloton 13, il y’a quelqu’un qui a prié fort. Puis ça, j’en parle puis pour une fois là ; j’ai hâte de tourner complètement la page. Au mois de mai, là c’est la fin, la fin de la guerre puis tout, tout serrer. C’est parce que, après, il y en a qui sont revenus, ils ont été, comme on dirait, dans l’association des anciens prisonniers de guerre, ils n’ont pas été à Dieppe, mais tout ce que le prisonnier disait, eux autres le gardaient ; ils disaient que c’était eux autres, vous savez. C’est ça là qui est vague. Moi, c’est de valeur, le peloton 13, cette section-là, je les connaissais juste de vue. Ne me demandez pas les… l’autre section je la connaissais. Il y avait Jalbert, Saint-Mars, je connaissais tout ça. Ils ont été prisonniers ou tout ça. J’ai toujours pensé, celui qui était en feu, que c’était le peloton 15 qui avait été là-dedans. Je ne le sais pas. L’autre, l’autre il s’en est sauvé un peu parce qu’il a dérivé pas mal, il est arrivé vers les différentes plages, Courville, je pense.

RETOUR AU CANADA

Puis là, je suis revenu en 43, comme instructeur, au Canada. C’est là, mon premier poste ça a été Montmagny, puis après, bien ça a été l’arsenal des Fusiliers Mont-Royal. Faut pas oublier que l’arsenal des Fusiliers Mont-Royal il y a encore 700 des parades le lundi puis le mercredi. C’est tous des jeunes, tous des élèves d’écoles, puis ci puis ça. Ils ne sont pas appelés eux autres. Moi, j’ai pas connu ça la conscription puis ceux qui ont été appelés. Mais, eux autres, s’ils manquaient deux parades, on envoyait le nom au registraire, puis là il l’appelait. Alors, on avait toujours une bonne, un bon groupe. Mais ils avaient leurs propres sergents, leurs propres caporaux. C’est moi qui après là les a amené tirer le mortier de 3 pouces, puis la mitrailleuse, puis lancer des grenades. C’est parce que c’est tout du monde ça… il fallait qu’ils apprennent ce qu’on avait appris nous autres. Lancer des grenades 36, c’est dangereux, puis tout, ça fait que… Ça c’est quand on allait en entraînement à Farnham, ça surtout. Là, j’étais sergent-major. Admettons que je suis devenu caporal en 40, sergent après Dieppe en 42, sergent-major en 43. Bien oui, de tout l’entraînement, surtout des sous-officiers puis tout ça. Parce que là, bien entendu, eux autres avaient leur propre, c’était de la Réserve. Ils avaient leur propre adjudant-maître puis tout ça. Moi, c’était juste s’il arrivait quelque chose. Moi, c’était surtout pour l’entraînement avec munitions, puis grenades, puis tout ça là.

TRAVAIL À L’ARSENAL

Après le mariage moi, j’ai toujours mon emploi comme, à l’arsenal. Il faut que je sois là. L’arsenal même là, ils ont leur propres officiers, puis tout ça là, il y a le Capitaine Tardif. Moi, mon rôle c’est, des fois là, mettons qu’ils font une partie de lutte à l’arsenal, bien, c’est moi qui reçois les lutteurs, comme Yvon Robert, (inaudible) puis tout ça. C’est ma job ça. Ça fait que là bien je leur paie une traite puis ci puis ça puis tout. Il y a quelqu’un qui meurt, ils m’appellent ; je vais voir la personne. Vous savez, j’étais… il y a un officier à l’hôpital, c’est moi qui fais les… tu sais, j’étais un peu le… Intervieweur : L’administrateur. C’est ça, c’est ça, tu sais. Bien, c’était ça qui était ni plus ni moins ma job. Comme instructeur là, je corrigeais les erreurs, des fois, d’un sergent ou d’un caporal. Mais, c’était plus, c’était juste un petit peu de la supervision. C’était pas comme de l’autre côté là quand t’es en charge d’une section ou d’un peloton, c’est différent.

QUITTER L’ARMÉE/LA RETRAITE

Jusqu’en 47. En 47, ils ont dit, on reforme – là, la guerre est signée en 45. Ils ont dit on reforme une nouvelle Force. Ça fait que j’ai dit, bien moi j’ai déjà sept ans, j’ai dit, je vais continuer. Ça fait que c’est là que les examens, puis ci puis ça là, ça marchait plus. Bien, c’est parce qu’ils disaient que j’étais, j’avais été blessé, c’est vrai ça, c’est des accidents de culture physique. Intervieweur : Des examens médicaux. C’est ça, c’est ça, examens médicaux là, ça fait que c’est là qu’ils ont dit que, nous autres, la nouvelle force, c’est nouveau là. J’étais sergent-major, ils ont dit, si t’avais été accepté, t’aurais été obligé de réduire à sergent parce qu’ils reformaient. Je l’aurais pris pareil, mais excepté pour eux autres, la guerre était finie. Arrange- toi avec tes troubles. Oui, je suis sorti en 47, puis en 47 il y avait un type qui était, que j’enseignais comme instructeur là, qui avait, qui m’aimait bien ; il dit : « Si tu as besoin d’ouvrage, il dit, viens me voir. » « Bien, j’ai dit, on sait jamais. » Ça fait que j’avais été le voir ; il m’a fait rentrer dans un magasin d’électricité, Larivière Inc. J’avais été obligé de suivre des cours d’électricité et tout ça. J’ai travaillé là trois ans. À part de ça, il y avait un type de l’armée que je connaissais. J’avais été le voir, puis j’ai dit : « Écoute là. Il y en a qui sont ressortis, ils sont rendus pompiers (inaudible), puis moi je suis encore au bas de l’échelle. » Ça fait que là, il dit : « Tu as suivi des cours et tout ça ? » J’ai dit oui. J’ai rentré à l’ordonnance avec le corps RCEME, Royal Canadian Electrical Mechanical Engineers. Là j’avais l’expérience pour ça. J’ai été 25 ans avec eux autres. J’ai arrêté là quand j’ai eu mes 60 ans. Ça fait que ça fait déjà une bonne secousse.

CEUX QUI RESTENT

C’est ça, moi je me suis rajusté dans un sens ; je me suis marié, puis j’avais pas de logis, tu sais, c’était dur. Là ils ont dit, on paie des wartime housing, puis ci puis ça, ça fait que ceux qui sont arrivés… un peu, que j’ai connus un peu plus tard, eux autres, ils sont venus à bout de se (inaudible) comme ça, mais ça a été dur. J’en ai pas connu beaucoup là, dire là qui… parce que là, tous ces types-là, après Dieppe… le nouveau bataillon et ils ont fait la Normandie, puis ça. Bien là, je les perds tous moi là. Je n’ai plus d’attache là. J’ai fait partie de l’association des prisonniers de guerre. Ah oui, à l’hôpital, il y a Giguère qui était président, qui est décédé. On en a encore un prisonnier de guerre chez nous, Baulne, que je connais, un Fusiliers Mont-Royal, Giguère, Binette, tous ces gars-là, oui… En tout cas, je pense qu’il n’en reste plus beaucoup là. Aux Fusiliers Mont-Royal, dans le livre, il y a le Capitaine Gravel qui a été prisonnier. Il était avec moi, lui. Je pense, l’autre fois, j’ai vu quelqu’un du régiment qui dit qu’il en reste cinq de votre gang. C’est pas gros.

LA VIE SOCIALE

La guerre, c’est la guerre. Mettons que tu vas à Londres, mais tu sais là, c’est comme d’autre chose. Ici, on va prendre Montréal, tu vas aller dans le red light, puis à Londres c’est le Soho, qu’ils appellent. Mais là, avant de partir là, en passe, ils t’ont donné de l’argent (inaudible) là, des livres puis tout ça, puis toutes sortes de gadgets. Mais reviens pas avec une maladie vénérienne puis tout ça, par exemple. Mais, c’est ça qui est la guerre. C’est comme ici là, il faut prendre des précautions. Combien de pauvres jeunes, ça revenait puis ça rencontrait n’importe qui, puis tout ça. Comme celui que je te contais là qui était venu à Dieppe puis qui – c’était dans le temps qu’on était à Dieppe – puis il est rentré à l’hôpital avant qu’on parte.

 

 

Source : Anciens Combattants Canada