BRIGADIER GÉNÉRAL ALFRED E. D. LABELLE
Le nom du brigadier général Alfred E. D. Labelle est assuré de faire toujours partie de l’histoire plus que centenaire de notre régiment et encore plus de celle de notre manège. En effet, non seulement est-il le premier membre de notre régiment à en gravir les échelons jusqu’à en devenir non seulement le commandant mais ensuite commander la brigade d’infanterie dont le régiment faisait partie et être promu général.
Comme si cela n’était pas suffisant, Alfred E. D. Labelle, qui avait participé à la campagne du Nord-Ouest de 1885 comme simple sergent, fut celui qui, dans les annales du régiment, en fut le commandant le plus longtemps, soit douze ans, en deux mandats. Qui plus est, c’est suite à une pétition de tous les officiers du régiment qu’après avoir été commandant une première fois, pendant cinq ans, on le pria de revenir cinq ans plus tard, ce qu’il devait faire en assumant le commandant pour sept autres années.
Bref, si l’on considère qu’il fut également commandant de la 12e brigade d’infanterie et qu’il s’occupa du régiment jusqu’à sa mort, on peut dire que Labelle exerça, pendant un bon quart de siècle
Promu commandant en avril 1887, Labelle était le fils d’un inspecteur de grains montréalais. Entré au régiment en 1882, il passa par tous les grades avant de parvenir au commandement du régiment. Vétéran de la campagne du Nord-Ouest, il fut promu lieutenant en 1886. L’année suivante, il était déjà capitaine et en 1890, major.
Officier modèle, le 65e, sous ses ordres, atteignit un haut degré d’efficacité. Son arrivée à la tête du régiment avait provoqué un regain tel du recrutement que l’on songea à demander la permission de grossir officiellement les effectifs du régiment. Le régiment pouvait d’ailleurs compter sur l’appui des médias montréalais dans ses efforts de recrutement. Commentant l’intention de Labelle de porter son effectif au-delà de 400 hommes, La Patrie disait espérer que la population l’appuie dans ses efforts pour faire du bataillon l’un des plus efficaces de la ville de Montréal, puisque les anglophones de la métropole maintenaient plusieurs bataillons d’un effectif total d’environ 1 500 hommes, quoique la population anglaise de Montréal soit inférieure à la population canadienne-française.
Labelle, fut remplacé à la tête du régiment, le 19 avril 1902, par le lieutenant-colonel François Samuel Mackay. Il devait toutefois reprendre les rênes du régiment en 1907 et en assumer le commandement jusqu’en 1912, suite d’une pétition des officiers du régiment réclamant son retour à la tête de l’unité. Puis commander la 12e brigade d’infanterie et être éventuellement promu brigadier général.
Labelle, qui, en tant que président dans la vie civile de la St. Lawrence Flour Mills possédait de puissantes relations dans tous les secteurs de la société montréalaise et plus particulièrement le monde des affaires avait convaincu le grand financier canadien-français Rodolphe Forget d’accepter en 1907, d’être le premier lieutenant-colonel honoraire de l’histoire du régiment. Trois ans plus tard, Forget devenait le premier d’une prestigieuse série de colonels honoraires qu’ont connus les Fusiliers Mont-Royal.
Lorsque Labelle revint à la tête des Carabiniers Mont-Royal, il était d’avis que le régiment devait se doter de son propre arsenal et en convainquit facilement Sir Rodolphe Forget. Les deux hommes décidèrent de presser l’affaire et le lieutenant R. Adolphe Brassard, membre du régiment et architecte, se fit confier la préparation des plans et devis. Après étude, la construction du manège fut confiée à la maison Martineau et Pronovost de Montréal. Cette construction, qui abrite toujours le régiment un siècle plus tard, suscita beaucoup d’intérêt au sein de la population montréalaise.
Construire un manège militaire coûte de l’argent. Dès le 6 mai 1908, Rodolphe Forget sollicita donc l’aide financière du ministère de la Défense et de la Milice. Il fit alors état d’une option que le régiment détenait sur un terrain de 18 338 pieds carrés situé sur l’avenue des Pins, près de la rue Saint-Denis. L’architecte ayant estimé le coût du terrain et de la construction à 100 000 $, Forget réclama donc un octroi de 50 000 $ du fédéral, le reste devant être financé par une souscription publique, lancée par nul autre que lui-même le 27 mai 1908, Ottawa accepta par lettre de fournir l’octroi demandé au régiment si celui-ci se portait acquéreur du terrain. Ce qui fut fait. Les plans du futur manège furent alors soumis à l’approbation du ministère de la Défense et de la Milice et le 24 février 1909, un arrêté en conseil octroya 50 000 $ au régiment pour la construction. La somme ne fut toutefois versée que lors de l’inspection du bâtiment par un responsable du ministère pour s’assurer qu’il répondait bien aux fins pour lesquelles l’octroi avait été demandé. Quant à la souscription, elle alla bon train et donna lieu à la mise sur pied de nombreux événements de levées de fonds : fêtes, tirage, kermesse, etc. Un projet de loi privé, sanctionné le 7 mai 1909, constitua en corporation l’Association de l’arsenal du 65e régiment.
L’inauguration officielle du manège des Fusiliers Mont-Royal, où loge toujours le régiment un l le tout couronné d’un bal splendide. La cérémonie coïncidait d’ailleurs avec le 25e anniversaire de la participation du régiment à la campagne du Nord-Ouest.
Le 17 mai 1911, l’Association de l’arsenal du 65e régiment-Les Carabiniers Mont-Royal céda à Sa Majesté le roi George V la caserne et ses dépendances. L’acte de vente a été consigné à l’étude des notaires Leclerc et Faribault. On lit dans cet acte de vente que la caserne avait été construite sur la promesse d’un octroi de 50 000$ de la part du gouvernement fédéral, avec l’entente que le tout serait remis au ministère de la Milice et de la Défense, l’entretien, le chauffage étant à la charge du gouvernement. Il est aussi dit que l’arsenal a coûté la somme de 124 599,25 $. Le gouvernement ayant fourni la somme de 50 000 $, la part des officiers et amis du régiment se chiffrait donc à 74 599,25 $.
Mais la cession de l’arsenal et de ses dépendances à l’État s’est faite sous certaines conditions dont voici les principales : la caserne ne devra servir qu’à l’usage exclusif du 65e Bataillon, aujourd’hui les Fusiliers Mont-Royal ; le gouvernement se réservait le droit de vendre ou de disposer de la propriété en tout temps, mais avec cette réserve que les produits de la vente soient divisés au prorata des sommes versées par les deux parties, soit 50 000 $ par le gouvernement et 75 000 $ par l’Association de l’arsenal.
On peut donc affirmer que les Fusiliers Mont-Royal sont propriétaires des trois cinquièmes de leur caserne. Et que c’est au brigadier général Labelle, avec l’appui du financier Rodolphe Forget, des officiers du régiment de l’époque et d’une bonne partie de la population montréalaise que cette initiative unique dans les rangs de la milice canadienne put se réaliser.
Pierre Vennat